« La vieillesse est comme la nuit qui descend doucement sur le jour » – Hervé Krissi
J’ai la mémoire qui flanche, j’me souviens plus très bien… Cette phrase pourrait résumer le personnage d’Alice atteinte d’une maladie neuro-dégénérative mais elle ne peut pas être réduite à cela.
Toute sa vie, cette femme américano-japonaise aura fréquenté avec assiduité la même piscine jusqu’à sa fermeture pour cause de fissures grandissantes à l’origine inconnue comme la maladie d’Alice dont les symptômes sont réels et que sa fille ne sait pas nommer. Julie Otsuka décrit avec une précision au scalpel les conditions d’hébergement d’Alice dans cet EHPAD (Etablissement Hospitalier pour Personnes Agées Dépendantes) où elle a dû se résoudre à la placer lorsque le maintien à domicile n’était plus possible. Ce passage est totalement glaçant et rappelle Les fossoyeurs de Victor Castanet.
Et puis, il y a la culpabilité de la fille d’Alice, les proches se sentent toujours coupables de mettre leurs aînés dans un EHPAD, l’impression de les abandonner alors que c’est la seule solution possible. Coupable de ne pas leur rendre visite plus souvent, coupable de ne pas avoir été plus proche, coupable de ne pas avoir partagé plus de moments avec elle… Coupable, c’est le leimotiv de ceux qui voient leurs parents peu à peu s’absenter d’eux même.
La ligne de nage est un ouvrage en deux parties : la première décrit la piscine et le groupe de nageurs qui se retrouvent quotidiennement, c’est le monde d’en bas, la seconde décrit Alice et sa lente dégradation. dans le monde d’en haut. J’ai trouvé le roman inégal avec une nette préférence pour la seconde partie qui met en lumière à la fois le lent glissement d’Alice vers un monde dont plus personne n’a la clef et la façon dont son entourage l’accompagne, l’aide, s’épuise et la place en établissement. La ligne de nage est à lire pour toucher du doigt la réalité que vit nombre de nos contemporains.
Editions Gallimard – 2022 – 163 pages