Le progrès n’est que l’accomplissement des utopies – Oscar Wilde
Farah a quinze ans. Elle vit dans une communauté dans le Sud de la France, sans contrainte, à l’écart des préjugés. Cet endroit s’appelle Liberty House et c’est son paradis.
Cette communauté est un mélange des communautés des années 70 (amour libre, absence de hiérarchie entre les individus, absence de jugement) et des communautés des années 2000 (végétarisme, antispécisme, rejet des technologies modernes). Farah, qui au départ a tous les attributs d’une fille, voit son corps se métamorphoser sans que cela ne soulève aucune curiosité, aucun rejet au sein de Liberty House, ce qui ne va pas de soi dans le monde « normal ».
Mais les grands principes ont une limite et ceux qui régissent la communauté vont peiner à s’appliquer lorsqu’un migrant va vouloir y trouver un refuge temporaire.
Farah a quinze, l’âge de la révolte. Malgré l’amour et la fascination qu’elle éprouve pour sa communauté et particulièrement pour Arcady son maître à penser, il y aura rupture.
Le roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam ne s’intitule pas Arcadie pour rien. Arcadie est une utopie, une terre idyllique pastorale et harmonieuse. L’Arcadie de Farah a-t-elle un avenir ? Son guide spirituel Arcady parviendra-t-il à maintenir son paradis sur une terre où la méfiance et la méchanceté sont monnaie courante ? Ou est-il appelé à finir comme Saint Arcadius torturé et martyrisé et qui malgré tout clamera sa foi pendant qu’il est torturé?
Arcadie est un roman d’apprentissage qui mêle utopie des années 70 et peurs d’aujourd’hui. Liberty House est-elle une secte autarcique ou un havre de paix pour ceux qui souhaitent vivre loin des diktats d’aujourd’hui ? La question est intéressante mais surtout Arcadie est la preuve qu’un autre mode de vie est possible bien que semé d’embûches.
J’ai adoré la lucidité de l’héroïne et sa liberté de penser, le tout soutenu par l’écriture à la fois moderne et vive d’Emmanuelle Bayamack-Tam.
Arcadie, c’est l’utopie à notre portée.
P.O.L – 2018 – 435 pages